vendredi 29 mars 2024
J17 : Cabane de l'Embernard - Cabane de la Combe
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Dans cette étape le GR54 rejoint normalement la vallée du Vénéon mais j'ai choisi de rester en altitude, une sorte de variante plein ciel pour faire durer le plaisir et repousser l'échéance...
Je laisse ici la harde désemparée et m'engage dans la descente au lac. Contrairement aux apparences l'approche est accidentée, le sentier se faufile en promontoire dans des escarpements. En bas des ouvriers retapent la cabane du Lauvitel sous l'oeil bovin de quelques bêtes.
Le soleil éclabousse toute la rive gauche du lac. Dans le sentier qui s'élève un éterlou déambule, il me repère au dernier moment et passe à quelques mètres à peine effarouché !
Après 700m de dénivelée voici le Lac de Plan Vianney alimenté par quelques sources. S'il n'était pas défiguré par une ligne à haute tension ce serait un lieu idéal pour le bivouac.
Les derniers mètres pour atteindre la Brèche du Perrier (2491m) sont bien raides, ce qui lui vaut peut-être cette distinction, et puis soudain l'horizon s'ouvre...
A l'aval s'étend le Valbonnais avec l'Obiou en toile de fond, vers l'amont la crête ondule gracieusement jusqu'à la Pointe de Confolant.
En face c'est le Neyrard (2796m) où je tente de discerner un cheminement. Ses pentes désertes abritent de nombreux chamois, ils m'observent alors que je gravis les derniers mètres sous le sommet.
Le casse-croûte est bienvenu. Adossé au ciel je rêve, me laissant porter par la brise entre le Rochail et les perspectives de Berche Noire. En-dessous la masse sombre du lac du Vallon engloutit de larges coulées de caillasses.
Au seuil du lac je rencontre un berger, ses brebis chôment dans un pierrier. Il est monté car le temps l'inquiète, surtout la neige qui pourrait pièger les bêtes. Dispersées dans l'alpage il faut les regrouper et les descendre, il m'invite à le suivre...
Pas facile de maîtriser le flux des 300 bêtes et dans ces éboulis malcommodes le travail des chiens s'avère indispensable ; aux ordres du berger qui anticipe le relief et l'inertie du troupeau, ils impulsent la trajectoire ou la rectifient avec une précision remarquable.
Au Ramus nous récupérons d'autres brebis, soit 600 têtes qui plus bas se présentent devant un mauvais dévers. Le passage est dangereux, avec précaution la tête du troupeau est engagée en file indienne, ici le moindre mouvement de panique serait désastreux...
Quelques moutons sont passés, le reste va suivre et franchir l'obstacle petit à petit en trois quarts d'heure. Pendant ce temps nous allons déboucher le captage de la Combe obstrué par les orages puis inspectons les tuyaux à demi enfouis.
La Cabane de la Combe (2081m) est en vue, le berger s'arrête et donne le biais. Les moutons vont remonter seuls le vallon jusqu'à l'épaule du Petit Renaud où stationne le reste du troupeau à la couchade.
Tandis qu'il s'assure de la bonne marche des choses je me laisse absorber par l'alpage et goûte profondément à chacun de ces instants, le bonheur est rare il faut le saisir quand il passe.
A la cabane il pousse ses affaires pour me faire la place. Nous causons de son métier, du matériel et de bien d'autres choses encore. Finalement le crépuscule tombe sur cette journée inoubliable, Philippe se lève, rappelle ses chiens puis descend à la Montagne sa bergerie finir son travail, adieu berger...
La bougie vacille, une certaine mélancolie m'envahit. C'est ma dernière nuit et je songe à tous les moments exaltants passés depuis le départ... L'heure est paisible au plus près des étoiles et je m'endors, bercé par le murmure de générations de pâtres partis " faire la route " pour cette montagne.
la pensée du jour : +1520m / -1540m , environ 7h30 de marche